Dans l’Agenda 2030, les Nations Unies proposent de « redoubler d’efforts pour protéger et sauvegarder le patrimoine culturel et naturel du monde » (UNESCO, 2018, p. 42). En adéquation avec cet objectif, les régions de production viticole travaillent de plus en plus à la mise en valeur de leur patrimoine, ce qui contribue à un intérêt croissant pour la culture du vin. Selon González-San José et al. (2017), la culture du vin comprend l’ensemble des aspects tangibles et immatériels des traditions, des coutumes, des connaissances, des modes de vie et de consommation autour du vin, aspects présents dans une société vivant dans des espaces géographiques délimités par une production spécifique de vin. Il s’agit donc d’un niveau de culture générale – ici autour du produit vin – qui est dénommée culturalité par Pinxten et Verstraete (2014). Ces auteurs définissent la culturalité comme une dimension qui comprend des processus spécifiques qui produisent du sens dans des contextes particuliers, ce qui, selon eux, contraste avec la notion plus vague de culture. Et ils affirment que les valeurs de la culturalité se manifestent diversement aux différents niveaux d’identité des individus, des groupes ou des communautés. Selon Molano (2006), certaines manifestations culturelles autour du vin, peuvent en effet générer un sentiment d’appartenance à une communauté et donc une forme d’identité culturelle qui renforce le développement d’un territoire puisque cette identité culturelle suppose une reconnaissance et une appropriation de la mémoire historique locale. Pour notre étude, nous avons par conséquent construit cette expression « d’œno-culturalité » qui signifie l’expression d’une identité culturelle du vin au travers de la connaissance de ses aspects tangibles et intangibles, des traditions et coutumes qui lui sont liées ainsi que des perceptions et émotions qui émanent des modes de consommation du vin dans un espace territorial délimité.
Cependant, le marché mondial du vin – produit traditionnel à forte dimension culturelle – est très concurrentiel et la crise du Covid-19 a considérablement réduit le marché mondial (OIV, 2020). Les innovations produit ne sont pas si fréquentes dans le secteur alimentaire (Beckeman et Skjöldebrand, 2007) et pour maintenir ou accroître sa part de marché et sa rentabilité, le secteur alimentaire traditionnel est contraint d’innover (Vanhonacker et al., 2013). Les auteurs démontrent que les niveaux d’acceptation les plus élevés d’un nouveau produit émanent des éléments qui renforcent son caractère traditionnel au travers par exemple d’un label qui garantit l’origine de la matière première ou via la communication qui met en valeur le caractère traditionnel de l’aliment. Dans ce contexte, une expérience innovante a été lancée dans le région espagnole de La Rioja afin de créer un nouveau vin rouge pétillant naturel. Au niveau théorique, un produit alimentaire peut être considéré comme une innovation dans la mesure où il n’y a pas de produit identique sur le marché ou parce qu’il a été développé avec de nouveaux procédés technologiques (Medrano et al., 2020). En ce qui concerne les facteurs qui affectent son acceptation, Olarte et al. (2017) ont démontré la pertinence du regroupement de divers acteurs – producteurs, distributeurs, organismes de promotion du territoire, etc. – d’un même écosystème d’affaires pour développer conjointement un produit de rupture. Ils soulignent néanmoins que l’adoption d’un processus de co-innovation pour le développement d’un vin innovant nécessite également des innovations de processus dans les organisations concernées. S’appuyant sur ces travaux, la présente étude introduit la dimension d’œno-culturalité dans un modèle cognitif-affectif-normatif (CAN) afin de déterminer si elle a une influence modératrice sur les variables qui expliquent l’acceptation d’une innovation œnologique. Les résultats obtenus comblent quatre lacunes de recherche avec d’importantes implications théoriques et pratiques : 1) proposition d’une segmentation de la demande sur la base d’un échantillon d’individus d’une région viticole ; 2) test du modèle CAN pour clarifier l’importance de l’œno-culturalité et son rôle dans l’acceptation de l’innovation ; 3) conseils pour le développement et la commercialisation d’innovations sur le marché du vin, en tenant compte des niveaux d’œno-culturalité des consommateurs ; et 4) recommandations d’actions liées à l’innovation pour réactiver la consommation de produits locaux en fonction des nouvelles tendances de consommation.
1. Cadre conceptuel : impacts de l’œno-culturalité sur l’intention de consommer un nouveau vin
À partir d’une revue de la littérature, trois groupes de variables qui affectent l’acceptation de nouveaux aliments ont été recensées. Il s’agit des variables liées aux bénéfices sensoriels, aux normes sociales et aux émotions (Siegrist, 2008 ; Sorenson et Henchion, 2011 ; Pelegrin-Borondo et al., 2020). Siegrist (2008) considère que trois types de facteurs influencent l’acceptation d’un nouvel aliment : (i) les facteurs liés au producteur, (ii) les facteurs psychologiques, et (iii) la confiance sociale et les normes. Sorenson et Henchion (2011) relèvent l’importance de plusieurs facteurs dans l’acceptation de nouveaux processus alimentaires, notamment les bénéfices d’un nouvel aliment mais également les risques perçus en matière de salubrité des aliments, ce qui leur a permis d’analyser les structures cognitives motivationnelles de segments de consommateurs spécifiques. Quant aux émotions, elles peuvent être définies comme les réactions d’un individu à un événement extérieur. En marketing Graillot a proposé de qualifier une émotion de « phénomène affectif, subjectif, expérientiel, momentané, multidimensionnel, source de motivations, provoqué par des facteurs exogènes à l’individu, qui interagit avec le processus de traitement de l’information recueillie en vue d’une expérience de consommation, avec le comportement et avec l’expérience des consommations » (Graillot, 1998, p. 7). Les émotions révèlent ainsi un état d’affectivité positive ou négative qui peut se mesurer entre autres outils de mesure via l’échelle PANAS – Positive and Negative Affect Scale – (Watson et al., 1988). Ferrarini et al. (2010) ont souligné que les adjectifs émotionnels qui décrivent l’expérience de consommation de vin italien traduisent des comportements plus marqués si les émotions reflètent le plaisir que si ce sont des perceptions désagréables. De plus, Olarte et al. (2017), García-Milon et al. (2019), Pelegrin et al. (2020) ont démontré que les émotions négatives ont plus de pouvoir explicatif que les émotions positives dans l’acceptation d’un vin nouveau et expliquent largement l’intention d’achat, alors que les émotions produites par la visite d’un vignoble l’affectent à peine. Les adjectifs des émotions positives et négatives de PANAS sont exposés dans la section suivante sur la méthodologie.
Au regard de ces constats, nous avons recensé dans la littérature les principales variables déterminantes telles que les bénéfices sensoriels, les émotions et les normes sociales ainsi qu’une variable modératrice, la « culture du vin » comme l’expression d’une identité culturelle. Et nous avons élaboré un modèle cognitif-affectif-normatif (CAN) pour expliquer les intentions de consommation d’un vin qui serait considéré comme nouveau sur le marché du fait de ses caractéristiques.
1.1. Influence du bénéfice sensoriel sur l’intention de consommer un nouveau vin
García-Milón et al. (2019) ont analysé l’importance des attributs sensoriels tels que la douceur et l’arôme dans l’acceptation d’un nouveau vin. Mueller et Szolnoki (2010) relèvent d’autres éléments importants qui peuvent affecter les sensations, comme le lieu d’origine, la marque et le prix. De plus, les informations sur les produits peuvent façonner l’évaluation sensorielle en raison des attentes créées (Siegrist, 2008). Sur la base de ces travaux sur l’influence des bénéfices sensoriels sur l’intention de consommation, une hypothèse a été formulée dans laquelle la dimension cognitive reflète l’idée que les nouveaux vins peuvent apporter des bénéfices sensoriels liés à de nouvelles sensations visuelles, olfactives et gustatives. Hypothèse 1 = les bénéfices sensoriels attendus d’un nouveau vin ont un effet positif sur l’intention de consommer.
1.2. Influence des émotions sur l’intention de consommer un nouveau vin
Barrena et al. (2015) affirment qu’il existe une dimension émotionnelle importante associée à l’achat et à la consommation d’un nouvel aliment et considèrent que « les réponses émotionnelles des consommateurs envers un nouvel aliment pourraient éclairer la décision d’achat ». Dalenberg et al. (2014) ainsi que Gutjar et al. (2015) montrent que la combinaison entre les émotions évoquées et la sympathie prédisent fortement le choix de la consommation d’aliments différents. Cependant, peu d’études ont abordé cette relation dans les comportements d’achat du vin. L’expérience de dégustation de vin génère cependant des impressions émotionnelles qui peuvent rester dans l’esprit du consommateur, créant des souvenirs qui peuvent être réactivés dans le futur (Ciolfi, 2009). En prenant comme référence ces travaux antérieurs et notamment la structure bidimensionnelle des émotions (Pelegrín-Borondo et al., 2020), les hypothèses suivantes ont été proposées : hypothèse 2 = les émotions positives envers un nouveau vin ont un effet positif sur l’intention de consommation ; hypothèse 3 = les émotions négatives envers un nouveau vin ont un effet négatif sur l’intention de consommation.
1.3. Influence des normes sociales sur l’intention de consommer un nouveau vin
Certains chercheurs ont affirmé que les normes sociales et culturelles influencent ce que nous mangeons. Siegrist (2008) a par exemple retenu comme déterminants de l’acceptation d’une nouvelle alimentation, la confiance et les normes sociales. Néanmoins, il y a des résultats contradictoires dans la littérature quant à leur influence. Des auteurs tels que Van Zanten (2005), Barber (2012), Olarte et al. (2017) ou García-Milón et al. (2019) ont contesté l’influence des normes sociales comme facteurs importants de la décision d’achat. Sur la base de ce qui précède, l’hypothèse suivante est soulevée afin d’éclairer les résultats contradictoires par des tests sur le produit : hypothèse 4 = les normes sociales ont un effet positif sur l’intention de consommation.
1.4. Effet modérateur de l’œno-culturalité sur l’intention de consommer un nouveau vin
La culture influence les valeurs des consommateurs et les objectifs qu’ils poursuivent (Nisbett et al., 2001), fournissant un ensemble commun de normes pour percevoir et évaluer l’interaction et l’action (Shavitt et Barnes, 2020). La culture se manifeste dans l’œno-culturalité qui marque le comportement du consommateur (Molano, 2006). Il y a en effet un regain d’enthousiasme pour les produits alimentaires perçus comme traditionnels et locaux, dans le cadre d’un désir plus large d’expériences authentiques (Sims, 2009). Les aliments locaux sont conçus comme des produits « authentiques » qui symbolisent le lieu et sa culture, et relient les consommateurs à la région et à sa culture, son patrimoine et son identité perçus (Sims, 2009). Les produits qui relient le mieux les consommateurs à leurs traditions sont certes les aliments (Moisio et al., 2004). Cependant, Olarte et al. (2017) et Juaneda et al. (2019) contestent l’importance de l’intention de consommer un vin innovant dans leur manière de faire référence à la promotion de la culture, de la tradition et de la région. Le vin représente une fusion de composantes sensorielles, émotionnelles et sociales, toutes liées à l’identité culturelle (Harrington, 2005). Ainsi, en production viticole, celle de l’œno-culturalité peut être importante pour différencier le produit final des différentes régions viticoles (González-Centeno et al., 2013). La culture du vin contribue au développement et au renforcement des identités culturelles des régions (Sheridan et al., 2009). Compte tenu du fait que les consommateurs peuvent avoir différents niveaux ou degrés de l’œno-culturalité, il est proposé que l’identité culturelle puisse jouer un rôle modérateur dans l’intention de consommer une innovation viticole. Aucune étude antérieure n’a analysé le rôle modérateur qu’exerce l’œno-culturalité sur la relation entre les bénéfices sensoriels, les émotions et les groupes de référence et l’intention de consommer un nouveau vin. Ainsi, cette potentielle relation est analysée à travers la question de recherche suivante : l’œno-culturalité modère-t-elle la relation entre les variables explicatives qui affectent l’intention de consommer un nouveau vin ?
L’ensemble des quatre hypothèses formulées constituent la proposition d’un modèle CAN intégrant les variables qui influencent l’intention de consommer un nouveau vin et le rôle modérateur de l’œno-culturalité dans la relation entre les variables explicatives qui affectent l’intention de consommer un nouveau vin (Cf. figure 1).
Figure 1 - Modèle CAN appliqué à l’intention de consommer un nouveau vin
2. Méthodologie de la recherche : test d’un modèle CAN
Cette étude quantitative a été réalisée en Espagne, plus précisément dans la Rioja, région viticole espagnole avec une forte tradition de culture du vin. L’échantillon interrogé était composé de 1126 acheteurs potentiels, dont 50 % d’hommes et 50 % de femmes. En termes d’âge, la répartition était la suivante : 18 à 25 ans : 225 (20,1 %) ; 26 à 35 ans : 225 (20,0 %) ; 36 à 45 ans : 221 (19,6 %) ; 46 à 55 ans : 229 (20,3 %) ; 56 et + : 225 (20,0 %). Toutes les catégories socio-professionnelles étaient représentées : salariés : 422 (37,5 %) ; entrepreneurs : 173 (15,4 %) ; chômeurs : 80 (7,1 %) ; retraités : 102 (9,1 %) ; étudiants : 245 (21,8 %) ; femmes au foyer : 70 (6,2 %) ; autres : 33 (2,9 %). En termes de niveau d’études, il est basique pour 26,6 % des répondants, intermédiaire pour 43,7 % et universitaire pour 29,7 % d’entre eux. Enfin, nous avons retenu des individus dont la consommation moyenne est de plus de 4 verres de vin par semaine afin que les répondants aient une certaine expertise de la consommation de ce type de produit.
Les échelles de mesure des dimensions proposées dans le modèle ont été élaborées à partir de la littérature en Sciences de Gestion et en Psychologie dont les références sont détaillées dans le tableau ci-dessous. Les items ont été évalués sur des échelles de Likert à 11 points, où 0 indique « totalement en désaccord » et 10 « totalement d’accord ».
Tableau 1 - Échelle de mesure des variables
|
Dimensions |
Items |
Références |
|
Bénéfices sensoriels |
|
Juaneda et al. (2019) |
|
Emotions |
Échelle PANAS : Émotions positives = attentif, actif, alerte, excité, enthousiaste, déterminé, inspiré, fier, intéressé, fort. Émotions négatives = agité, angoissé, craintif, déprimé, honteux, hostile, inquiet, irritable, maladroit, nerveux. |
Watson et al. (1988) Kuesten (2014) Pelegrín-Borondo et al. (2020) |
|
Normes sociales |
- Les personnes importantes à mes yeux pensent que je devrais le consommer. - Les personnes qui influencent mon comportement pensent que je devrais le consommer. - Les personnes dont j’apprécie les opinions aimeraient que je le consomme. |
Venkatesh et al. (2012) |
|
Intention de consommation |
Si je peux, j’essaierai de l’acheter. Si je peux, j’ai l’intention d’en consommer. |
Venkatesh et al. (2012) |
Afin de tester les hypothèses, un processus statistique séquentiel en cinq phases a été suivi : (1) formation de groupes d’individus en fonction de leur œno-culturalité en appliquant une analyse séquentielle des grappes ; (2) modélisation ; (3) évaluation de la fiabilité et de la validité des échelles de mesure ; (4) évaluation du modèle structurel ; (5) comparaison multi-groupes des modèles.
3. Résultats : Identification de 3 segments de consommateurs selon leur œno-culturalité
Trois segments de consommateurs ont été identifiés et dénommés sur la base du concept de culturalité défini par Pinxten et Verstraete (2014) et présenté dans l’introduction, ainsi que du préfixe œno en relation au vin (Cf. figure 2).
Figure 2 - Trois segments de consommateurs selon leur œno-culturalité
Le premier segment a été dénommé « œno-culturaliste » pour son fort niveau de culture du vin. Ce groupe a valorisé l’importance de la promotion de la culture du vin (note moyenne de 8,85 sur une échelle de 0 à 10). Il montre également les scores les plus élevés sur l’importance de la promotion de la région (9,08) et du maintien des traditions (8,70). Ce groupe constitue 44,67 % de l’échantillon et les femmes prédominent (54,3 %).
Le deuxième segment a été dénommé « inter-œno-culturaliste » étant donné qu’il affiche une position intermédiaire dans l’importance de la promotion de la culture du vin (6,55 points). Cette position se reflète également dans l’importance de la promotion de la région (6,51) et du maintien des traditions de la culture du vin (5,19). Ce groupe représente 38,90 % de l’échantillon et il y a plus d’hommes (54,8 %) que de femmes (45,2 %).
Enfin, le troisième segment a été dénommé « a-œno-culturaliste » car c’est un groupe qui présente un faible niveau de culture pour le vin. Ce groupe se soucie peu de la promotion de la culture du vin (2,89 en moyenne) ou de la promotion de la région (2,66) et il présente un score très faible quant à l’importance de maintenir les traditions du monde du vin (1,49). Ce groupe représente 16,43 % de l’échantillon et le pourcentage y est sensiblement égal entre femmes (50,3 %) et hommes (49,7 %).
Nos résultats confirment que les trois segments ont une pertinence prédictive et que les variables explicatives dans leur ensemble ont un pouvoir explicatif élevé de l’intention de consommation d’un nouveau vin. Ils nous permettent de valider les hypothèses H1 et H4 car dans tous les segments les bénéfices sensoriels et les normes sociales affectent positivement et significativement l’intention de consommation. L’hypothèse H2 – influence des émotions positives sur l’intention de consommation – ne peut être retenue, cette variable n’étant significative dans aucun des segments. L’hypothèse H3 est partiellement acceptée car pour les œno-culturalistes et les inter-oeno-culturalistes, les émotions négatives affectent significativement et négativement l’intention de consommer le nouveau produit.
4. Conclusion
Bien que la crise du COVID-19 ait réduit le marché mondial du vin, l’intérêt pour les produits locaux de terroir a augmenté, ce qui crée un attrait renouvelé pour la culture du vin. Néanmoins, afin de faire face à la saturation de ce marché mature, le secteur est contraint d’innover. Dans ce contexte, nous nous sommes interrogés sur le rôle de l’œno-culturalité dans l’acceptation d’un nouveau vin. Notre recherche est novatrice dans la mesure où nous avons positionné l’œno-culturalité comme variable modératrice dans un modèle cognitif-affectif-normatif (CAN) d’acceptation de nouveaux vins.
Nos résultats permettent de mettre en évidence l’intérêt de retenir l’effet modérateur de l’œno-culturalité qui permet d’apprécier les différences de capacité explicative des variables du modèle sur l’intention de consommer, ce qui n’avait pas été démontré précédemment.
Nos résultats montrent de ce fait l’importance de l’œno-culturalité dans la segmentation du marché du vin et nous permettent de proposer des recommandations managériales. En effet, une partie très importante du marché, les œno-culturalistes, se sent en lien étroit avec la culture du vin, les valeurs traditionnelles et leur région. Par conséquent, les zones de production peuvent être revitalisées en utilisant de nouvelles valeurs culturelles et en générant leur propre œno-culturalité dérivée de la longue tradition et de l’authenticité de leur culture du vin, comme suggéré par Alonso González et Parga Dans (2018). Les managers doivent identifier les œno-culturalistes et renforcer leur lien avec la culture du vin à travers des campagnes d’engagement. Ce segment peut être un important diffuseur de la culture du vin. Compte tenu de l’importance des normes sociales, les managers pourraient développer des stratégies de communication spécifiques pour ce groupe qui partage des préoccupations sensorielles et culturelles, les incitant à essayer de nouveaux vins et à les partager sur leurs réseaux sociaux.
De plus, nous avons constaté qu’il y a plus de femmes dans ce groupe d’œno-culturalistes. Les producteurs et distributeurs pourraient donc concevoir des campagnes de marketing expérientiel spécifiquement destinées aux femmes.
Les stratégies de marketing qui voudraient cibler les segments des inter-œno-culturalistes et des a-œno-culturalistes gagneraient à remplir les conditions suivantes : délimiter un positionnement créatif basé sur les atouts de la culture du vin et impliquer les œno-culturalistes en tant qu’ambassadeurs de la culture du vin.
Concernant la manière d’innover pour réactiver le marché, dans tous les groupes, nous constatons que les bénéfices sensoriels affectent l’intention de consommation d’un nouveau vin. Par conséquent, il est essentiel que les éléments organoleptiques soient pris en compte et qu’ils soient combinés pour arriver à de nouvelles propositions attrayantes. Le modèle a une grande capacité explicative du comportement des œno-culturalistes qui valorisent particulièrement les bénéfices sensoriels dans leur processus de décision de consommer le nouveau produit. Compte tenu de la qualité et de la variété des vins, les accords avec des mets typiques pourraient être renouvelés car ils représentent un attrait important pour les gourmets curieux des cultures gastronomiques locales et désireux de connaître l’identité d’une localité à travers ses goûts et saveurs (Sgroi et al., 2020).
La principale limite de notre recherche est due à la sélection de l’échantillon dans une seule région viticole espagnole : la Rioja. Que se passerait-il dans d’autres régions, pays ou régions viticoles sur d’autres continents ? Il serait intéressant que de futures recherches reproduisent ce travail pour comparer les résultats. Le modèle pourrait également être élargi en considérant le niveau d’ethnocentrisme de la zone d’étude, c’est-à-dire l’effet région/pays, en vue d’explorer davantage le comportement des trois groupes identifiés.


