Le guarani du Paraguay, exemple de nationalisation d’une langue et pistes de réflexion législative pour sauver le wayúunaiki colombien

DOI : 10.56078/cahier-du-crini.396

Résumés

L’officialisation d’une langue autre que l’espagnol reconnaît le multiculturalisme des pays hispanophones. Le guarani se positionne ainsi comme une langue qui a résisté aux jugements socio-historiques vécus par les habitants du Paraguay et représente leur survie langagière. Le wayúunaiki, langue aborigène parlée en Colombie, révèle de son côté les inégalités chez les locuteurs natifs de la langue et est loin d’atteindre le statut du guarani. Les éléments qui rapprochent ces langues sont ceux de leur jurisprudence. Les aspects qui nous intéressent ici sont, d’une part, la construction de la signification lexicale de concepts langue nationale et officielle. Cette construction est proposée à partir du modèle de la Sémantique de Possibles Argumentatifs et, d’autre part, la manière dont sont ou ne sont pas défendus les droits linguistiques des communautés wayúu et guarani. Ces choix d’analyse discursive permettent de dévoiler quelques points de réflexion sur l’officialisation d’une langue.

The official recognition of a language other than Spanish gives rise to multiculturalism in Spanish speaking countries. Guarani is positioned as a language that has resisted the socio-historical judgments lived by the inhabitants of Paraguay and represents its language survival. The Wayúunaiki, an aboriginal language spoken in Colombia, reveals the inequalities between native speakers of the language and is far from achieving the status of the Guarani. The elements that bring these languages together are those of its jurisprudence. The first aspect that interests us is the construction of the lexical meaning for the concepts national and official language. This construction is proposed from the model of the semantics of argumentative possibilities. Secondly, we will explore the way in which the linguistic rights of the Wayúu and the Guaraní communities are defended or not. These discursive analysis options reveal some points of reflection on the formalization of a language.

Plan

Texte

1.  Introduction

Les Wayúus sont une communauté amérindienne habitant la Guajira, une péninsule au nord de la Colombie, dont l’espagnol est la langue officielle. Ce peuple indigène a souffert des violences sociales massives pendant les différentes périodes de guerre et de confrontation qui ont frappé le pays. La langue de communication de ce peuple autochtone est le wayúunaiki, actuellement parlé par environ 40 0000 personnes (380 460 selon le Censo Nacional de Población y Vivienda en 2018, étude statistique du DANE en Colombie). Ces statistiques indiquent que le wayúunaiki est une langue parlée par une minorité de locuteurs ; elle risque ainsi de disparaître.

Dans cet article, nous souhaitons présenter quelques pistes de réflexion sur les stratégies qui peuvent contribuer à développer ou à négliger la reconnaissance juridique et identitaire d’une langue dite non-nationale, ici le wayúunaiki, en ayant comme objectif la défense de ce qu’est la pluralité culturelle aujourd’hui. Pour ce faire, nous allons structurer notre travail sur trois niveaux : tout d’abord, nous présenterons les contextes sociolinguistiques de peuples indigènes, ensuite, nous nous intéresserons au contenu sémantique des configurations lexicales « langue nationale et langue officielle », et enfin les données recueillies seront traitées à partir d’une approche en sémantique argumentative (SPA), qui permet de construire la représentation sémantique des mots par leur noyau et leurs stéréotypes, deux concepts qui seront expliqués infra. L’analyse SPA nous servira de base langagière, voire sémantique, pour comprendre le sens juridique des trois concepts clés dans la reconnaissance d’une langue dans un État.

Ainsi, nous tenterons de repérer des éléments sociaux et juridiques, mis en valeur par le système de politiques linguistiques et présents dans les discours de loi, qui ont permis à la langue guaranie du Paraguay de survivre et de faire face à l’oppression issue de l’histoire, du métissage colonial et des anciens régimes.

2.  Contextes sociolinguistiques

Les Wayúus sont un peuple amérindien ayant une population d’environ 270 414 habitants, dont 50,1 % sont des femmes. Située dans la péninsule de la Guajira, au nord de la Colombie et au nord-ouest du Venezuela, cette communauté représente 0,9 % du total de la population nationale et 20,5 % de toutes ethnies confondues au niveau national en Colombie ; 48 % de cette population se trouve en Colombie et 8 % à Zulia, au Venezuela. Les Wayúus, représentant 19,42 % de la population indigène en Colombie, habitent principalement dans des asentamientos, rancherías o piichipala ou cabanons dans des terrains désertiques, faisant d’eux une communauté vulnérable à toute échelle. Les Wayúus étant une société matriarcale, les autorités féminines représentent politiquement le peuple dans les espaces publiques.

Le wayúunaiki, langue de communication signifiant « personne avec une bonne capacité de raisonnement », est une langue en voie de disparition. Selon le CNVP de 2018, seulement 36,2 % de la population wayúu sait lire et écrire ; il souligne aussi que 89.1 % des Wayúus maîtrisent leur langue native, 4,6 % ne la parlent pas mais la comprennent et 6.3 % ne la parlent ni ne la comprennent. Cette langue est cependant déclarée langue officielle du peuple wayúu et elle lui permet de préserver ses traditions et valeurs culturelles malgré la forte présence de l’espagnol dans les échanges oraux régionaux.

De son côté, le guarani a été proclamé deuxième langue officielle dans la Constitution de la République paraguayenne en 1992. Aujourd’hui 90 % de la population non-indigène parle le guarani, la Constitution protège cette langue en déclarant, dans son article 77, l’officialisation de l’enseignement de la (des) langue(s) maternelle(s) (le guarani et l’espagnol).

Comme chez les Wayúus, dans la communauté des Guaranies, le rôle de la femme indigène est fondamental dans la transmission de la langue. Cette langue est couramment utilisée à l’oral, mais dans le cadre légal, les documents officiels ne sont pas encore tous écrits en guarani.

3.  Référentiel théorique et méthodologique

La SPA, modèle à double approche conçu par Olga Galatanu, nous permet d’une part de décrire les mécanismes sémantico-discursifs convoqués dans les termes « langue nationale et langue officielle », et d’autre part, d’entamer des (re)constructions discursives de ces entités linguistiques, c’est-à-dire, de ces ensembles de mots coexistant dans des échanges langagiers et culturels. En tant que théorie, la SPA se positionne à l’interface de la sémantique lexicale et de l’Analyse du discours (AD) ; le travail méthodologique qui sera développé infra naît ainsi dans sa filiation à la sémantique argumentative qui considère le sens discursif comme nettement argumentatif. En tant que modèle de description, la SPA a comme point de départ trois postulats : le potentiel argumentatif, voire axiologique de la signification d’un mot, est présent dans chaque occurrence discursive ; ce potentiel qui va se structurer sous forme d’associations de blocs sémantiques d’argumentation a un fort ancrage culturel et est donc cinétique (voire évolutif) ; le langage est entendu ici comme un instrument cognitif modélisateur du monde, sa dimension argumentative va se développer au niveau de l’association des propriétés essentielles à d’autres représentations associées durablement aux mots et à la génération de séquences potentiellement présentes dans les discours.

Au regard de ces postulats, cette théorie développe un outil méthodologique de description de la signification sous quatre strates : un noyau, des stéréotypes ou des blocs d’argumentation interne (représentation sémantique), des possibles argumentatifs et des déploiement argumentatifs (représentation discursive) (Galatanu). Notre analyse va être menée exclusivement au niveau de la représentation sémantique du modèle et non sur l’ensemble des strates. À ce niveau, nous tenterons de construire le noyau du mot, qui regroupe les propriétés sémantiques essentielles du concept au sein d’une configuration argumentative qui représente la partie la plus stable de la signification du mot, et ensuite, ses stéréotypes, ce que Putnam (1975 dans Galatanu 2016) définit comme un ensemble d’éléments associés durablement au mot ; cependant, dans la SPA, le stéréotype est un ensemble ouvert d’associations des éléments du noyau à d’autres représentations, ce qui configure des blocs argumentatifs internes à la signification du mot. À travers les noyaux, nous allons rendre compte de la dimension descriptive des significations stabilisant le contexte culturel par sa dimension langagière, et à travers les stéréotypes, nous essayerons de rendre compte de la partie stable et évolutive des éléments discursifs activant ou désactivant des valeurs dans la signification des mots.

Dans cette étude, nous allons nous intéresser au traitement discursif des discours juridiques - lois, décrets, arrêtés promulgués par l’État - car les discours sont (Galatanu, 2003–2016), l’expression de la construction de soi et du monde qui l’entoure. Le choix de nos corpus juridiques repose sur l’étude des lois relevant de l’historicité sociopolitique de la langue et de son état actuel au sein des Constitutions de la Colombie et du Paraguay. Nous avons décidé de garder la version française pour une meilleure compréhension de nos lecteurs, les sources de la version originale des articles étant disponibles en bibliographie (Constitutions).

Pour l’analyse de ces discours, nous nous plaçons dans le champ disciplinaire de l’Analyse du discours (AD) ou l’analyse textuelle. Les deux principaux objectifs de l’AD que nous tenterons de développer dans notre travail consistent en « l’identification la spécificité du discours étudié et des invariants de la pratique discursive » (Galatanu, 2003, 214) ainsi qu’en « la formulation des hypothèses interprétatives portant sur la pratique humaine qui porte le discours étudié » (Galatanu, 2003, 213).

Passons maintenant au repérage terminologique nécessaire pour comprendre notre démarche théorique et méthodologique. Les textes législatifs sont entendus ici comme des séquences argumentatives de mots et d’ensemble de mots qui s’enchaînent pour produire des discours. Le discours juridique est abordé ici comme un moyen de transmission communicative, porteur de sens et renvoie au caractère normatif des règles juridiques qui sont accordées par l’État, détenteur du pouvoir qui exige de se conformer ou de se borner aux lois, ce qui place l’interlocuteur dans un état de soumission/protection constant.

Au sens large des études théoriques menées sur le discours juridique, nous défendons les analyses de Greimas et Landowski (Greimas, 82–83) à propos des trois éléments propres au discours juridique :

  1. Le discours juridique fait partie d'un ensemble plus large d’autres discours manifestés ;

  2. parce que le texte juridique fait partie d’un sous-ensemble d’autres textes, il est soumis aux mêmes règles qui les constituent, soit en ce qui concerne la manifestation syntagmatique, soit à sa propre organisation interne, c’est-à-dire en paragraphes, chapitres, etc. ;

  3. la qualification d’un sous-ensemble de discours [considéré] comme juridique implique, à son tour, soit l’organisation spécifique des unités qui le constituent, soit l’organisation d’une connotation particulière sous-entendue à ce genre de discours, soit, enfin, les deux à la fois.

Malgré l’évolution des approches épistémologiques du discours et du droit, la construction des discours juridiques est indissociable de ces trois points et met toujours en évidence l’usage d’un jargon technique (la rhétorique des lois). De ce fait, leur analyse discursive, se concentre a priori sur les usages lexicaux et selon le cas, sur la répétition de certains syntagmes et unités lexicales au sein des discours à aborder. L’usage de divers types de formes lexicales peut nous amener à identifier plus objectivement une telle stabilisation, inclination (dans le sens des intentions) ou opacification du discours rapporté par l’État et entré en vigueur récemment pour la protection culturelle et linguistiques du wayúunaiki, du guarani et même d’autres langues aborigènes en danger.

4.  Corpus lexicographiques et analyse

Comme indiqué précédemment, nous allons entamer la construction de la signification lexicale des termes « langue officielle et nationale » ; pour chacune d’entre elles, nous allons d’abord édifier un noyau en nous appuyant sur le modèle de la SPA. Pour ce faire, le modèle propose le regroupement de définitions lexicographiques des dictionnaires ; ces dernières appréhendent de façon relativement stable l’ancrage social, langagier et culturel partagé par les individus d’une communauté. Les stéréotypes vont ensuite se construire à partir des exemples apparus dans les dictionnaires car comme nous l’avons déjà mentionné, ces exemples sont des représentations sémantiques, « présentes de façon relativement durable dans le contexte culturel d’emploi du mot, par voie de conséquence, dans la signification du mot » (Galatanu, 2016, 96).

Les dictionnaires utilisés comme sources encyclopédiques pour définir chacun de nos syntagmes sont les suivants : Enciclopedia jurídica, Diccionario del Español jurídico de la Real Academia de la Lengua Española, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, Biblioteca jurídica de la República de Paraguay et le Diccionario jurídico colombiano. Nous avons ainsi privilégié les sources diffusées par la RAE et celles disponibles en Colombie et au Paraguay. Au total, nous avons cinq corpus définitionnels par mot apparu dans ces dictionnaires.

Nous allons désormais passer à la construction des significations lexicales, ces constructions vont s’associer grâce à l’usage du connecteur logique DONC (DC) (Galatanu, 2016), qui permet de connecter les éléments de la signification dans une visée argumentative. Au regard de notre démarche méthodologique, les noyaux se stabilisent comme suit : La » langue officielle » est lexicalement parlant égale à :

Figure 1. Noyau stable du terme langue officielle

LANGUE OFFICIELLE
Système de communication verbale (X) d’un État
DC
X devoir être l’outil oral et écrit des instruments légaux de l’État
DC
X devoir être utilisé comme moyen d’échange des habitants d’un pays et des trois pouvoirs publics (législatif, exécutif et judiciaire)

Pour l’entité langue nationale, le noyau regroupe les liaisons et éléments suivants :

Figure 2. Noyau stable du terme langue nationale

LANGUE NATIONALE
Moyen de communication verbale (X) utilisé par un groupe humain (Y)
DC
X devoir être propre au(x) territoire(s) d’un État
DC
X devoir être autochtone et devoir avoir un système de signes oraux et écrits
DC
X devenir le moyen de communication nationale de Y

De ce fait, les éléments des noyaux sont des propriétés essentielles à l'identification lexicale et argumentative des entités lexicales ciblées. Ici, la marque (X) renvoie à un moyen ou élément abstrait du langage, et la marque (Y) désigne une communauté d’individus. Procédons maintenant à l’articulation des stéréotypes avec les éléments présents dans les noyaux des configurations :

Figure 3. Représentation sémantique de la langue officielle

Figure 3. Représentation sémantique de la langue officielle

Au sein de cette représentation, nous constatons que l’État est l’acteur qui peut déterminer l’officialisation d’une langue. Pour cela, il devra donc veiller à sa conservation et à sa transmission par la voie de l’enseignement.

Figure 4. Représentation sémantique de langue nationale

Figure 4. Représentation sémantique de langue nationale

La langue nationale fait ainsi partie du patrimoine culturel et immatériel d’un groupe d’individus qui habite dans des territoires appartenant à un État. Sa survivance relève de politiques gouvernementales de protection et de défense sociale. À travers l’application de la SPA et la stabilisation définitionnelle de ces termes, nous identifions des représentations globales partagées : la langue nationale renvoie aux cultures de la nation et la langue officielle est protégée par l’État et le gouvernement. Une possible dissymétrie juridique entre ce qui est propre à la culture autochtone et propre à la langue du colonisateur peut se dévoiler ici. Nous essayerons d’approfondir cet élément dans nos réflexions.

5.  Corpus juridiques et analyse

Une fois ces constructions linguistiques entamées, nous procédons à l’exploration lexicale et rhétorique des discours juridiques des politiques linguistiques publiés en défense du wayúunaiki et du guarani. Notre objectif est de pouvoir proposer à partir de l’analyse des discours choisis, des stratégies de protection et de nationalisation, voire de survie, qui puissent défendre ces langues dans le contexte culturel actuel. Les discours sur les lois constituent notre deuxième corpus d’analyse car source officielle du droit dans le système juridique. Les corpus de discours juridiques sélectionnés sont présentés dans leur traduction en langue française (Maurais in Leclerc, 1999, 2019).

Pour le wayúunaiki, langue aborigène des Wayúus (aussi connus comme Guajiros), les lois principalement traitées sont celles de 1960 et de 1979. L’article 1 de la Loi 2 du 6 août 1960 édictent des mesures visant la défense de la langue de la patrie :

Les documents officiels et tout nom, enseigne, annonce de commerce, de profession ou d'industrie et d'arts, modes ou sports à la portée de tous se feront et s'écriront en langue espagnole sauf dans le cas des noms propres et noms commerciaux étrangers intraduisibles ou qu'on ne peut modifier de façon convenable.

Cette première loi de 1960 va promouvoir la reconnaissance de l’espagnol dans le pays en donnant la priorité à la rédaction espagnole des documents officiels. La défense de l’espagnol, langue officielle, va se renforcer avec la loi 14 du 5 mars 1979 et le décret 2744 de 1989 qui met l’accent sur le besoin de « la défense et la pureté de la langue espagnole avec la plus grande diffusion des corrections du langage » (Article 12 créant l'Académie colombienne de la langue, organisme national pour développer la langue par la promotion de manifestations linguistiques et littéraires).

Article 1 Loi 1979 :
1) Les documents de la procédure officielle ainsi que tout nom d'enseignes, d'annonces commerciales, professionnelles, industrielles et artistiques, ou de l'industrie du vêtement, destinés à tous, doivent être exprimés et rédigés en espagnol, sauf ceux qui constituent des noms propres ou des noms d'entreprises commerciales étrangères intraduisibles ou qu'on ne peut modifier de façon convenable.
2) Dans le cas des marques exotiques enregistrées, leur prononciation correcte ou leur traduction doivent être indiquées, entre parenthèses dans la mesure du possible, et les explications pertinentes relatives à la marque en question doivent toujours être rédigées en espagnol.
3) Dans tout lieu où des noms étrangers sont présentés tels que des messages ou des étiquettes industrielles, des activités du domaine public ou d'une autre nature, qui ne sont pas protégés par le registre national ou la tradition déjà établie, l'autorité politique concernée doit ordonner leur retrait au moyen d'un avis écrit et dans un délai approprié.
4) Tout produit colombien industriel commercialisable doit porter la marque de son origine nationale en dessous de son nom ainsi que les informations correspondantes.

Article 2 Loi 1979 :
Compte tenu de la validité de la présente loi et sans préjudice des traités et des conventions sur les sujets qui incombent à la Colombie, on ne doit pas employer pour désigner des marques des termes qui appartiennent à des langues étrangères.

Les éléments discursifs qui ressortent ici renvoient à l’image de l’espagnol en tant que langue de communication officielle et son usage acquiert de la puissance dans les secteurs commerciaux et économiques. La dimension instrumentale de la langue est donc prioritaire dans les affaires et les échanges de l’État.

Un peu plus tard, en 1994, la Loi 155 sur l'Éducation introduit, pour la première fois, la définition du terme « ethno-éducation » (article 55) dans le pays en le définissant comme « l’éducation destinée aux groupes ethniques ». Cependant, ce n’est qu’en 1995 que le décret 804 du 18 mai, réglementant les besoins en éducation des groupes ethniques, autorise le ministère de l’Éducation nationale, avec la participation des représentants des communautés ethniques, à élaborer les grands axes de l’enseignement destiné aux groupes ethniques. Ce type d'enseignement est réservé uniquement aux autochtones et consiste à leur dispenser une instruction bilingue et biculturelle. Ce décret repose sur des principes tels que :

Article 1 - L'éducation destinée aux groupes ethniques fait partie du service public éducatif et repose sur un engagement d'élaboration collective, par lequel les différents membres de la communauté en général échangent des savoirs et des expériences en vue de maintenir, de recréer et de développer un projet global de vie en accord avec leur culture, leur langue, leurs traditions et leurs juridictions autochtones et particulières.

Article 2 - Les principes de l'ethno-éducation sont les suivants :
Intégrité (…)
Diversité linguistique (…)
Autonomie (…)
Participation communautaire (…)
Interculturalisme (…)
Flexibilité (…)
Progressivité (…)
Solidarité (…)

L’éducation ou, dans la plupart des cas, l’alphabétisation des groupes ethniques sont des éléments lexicaux qui, dans les discours d’intégration culturelle, cherchent à donner une reconnaissance sociale aux ethnies. Néanmoins, dans le cas de la Colombie, cette réglementation a pu hypothétiquement entraîner des enjeux identitaires plus forts comme la perte de l’identité individuelle et collective des communautés concernées. Par ailleurs, un travail sur la notion de l’interculturalité au sein de la construction des décrets pourrait aussi dévoiler d’autres regards sur le positionnement de l’État face à la diversité ethnique, cependant, par manque de temps, nous ne nous intéresserons pas à cet axe.

Pendant la même période, la Constitution colombienne de 1991, à la suite de diverses réformes va déclarer dans l’article 10, les points suivants :

L’espagnol est la langue officielle de la Colombie. Les langues et dialectes des groupes ethniques sont aussi officiels sur leurs territoires. L’enseignement dispensé dans les communautés ayant leurs propres traditions linguistiques est bilingue.

Le terme bilingue constitue le point essentiel de l’article et défend les idées dans lesquelles l’intégration éducative des groupes ethniques est nécessaire ; le peuple colombien doit respecter leurs langues et dialectes ; ces dernières étant considérées comme officiels dans leur propre territoire. Ce regard peut s’interpréter comme frontalier car si l’on prévoit la sortie de quelques membres de ces groupes pour des raisons sociales, politiques, démographiques ou économiques vers d’autres départements du pays, leur langue n’a pas une telle reconnaissance et donc, des inégalités sociales peuvent en découler.

En 2010, la Ley de lenguas (la loi 1381 sur les langues) cherche à préserver et à régulariser la situation des langues minoritaires ou indigènes en Colombie en prenant appui sur l’Académie Colombienne de la langue et les Droits Humains. Cette loi tient compte des articles 7, 8, 10 et 70 de la Constitution de 1991, dans lesquels, on reconnaît la diversité ethnique et culturelle du pays. On attribue un caractère de confidentialité aux langues des groupes ethniques dans leurs territoires et on établit que pour lesdites communautés l’éducation sera bilingue.

Intéressons-nous de plus près au texte de trois articles qui nous donnent des pistes langagières sur les droits attribués aux autochtones et à leurs langues :

Article 7 - Droits dans les relations avec la justice
Les locuteurs des langues indigènes qui, pour des raisons juridiques de toute nature, doivent comparaître devant les organismes du système judiciaire national ont le droit d'utiliser leur langue propre, et les autorités responsables doivent s'assurer du nécessaire pour que, dans les jugements qui sont rendus, les requérants puissent gratuitement être assistés par des interprètes et des défenseurs ayant une connaissance de leur langue et de leur culture.

Article 8 - Droits dans les relations avec l'administration publique
Les locuteurs des langues indigènes ont le droit de parler de leur langue dans leurs activités et gestions devant les organismes de l'administration publique (…).

Article 10 - Programmes de renforcement des langues indigènes
Le Programme national de développement et les programmes de développement des organismes territoriaux, en collaboration avec les autorités des groupes ethniques, doivent inclure des programmes et assigner des ressources pour la protection et le renforcement des langues indigènes. Le ministère de la Culture est chargé de coordonner le suivi, l'exécution et l'évaluation de ces programmes en conformité avec le principe de la concertation prévu à l'article 30 de la présente loi.

Dans l’ensemble, ces articles visent la protection des langues indigènes mais ils échappent aux démarches légales de diffusion/transmission dans le système éducatif du pays. Une brève analyse de ceux-ci nous permet d’identifier une certaine opacité discursive concernant le statut socio-langagier réel de ces langues. Nous centrons maintenant notre attention sur les éléments lexicaux que nous avons mis en gras. Dans l’article 7, la place d’une communication en langue autochtone est défendue et la possibilité d’avoir recours à un traducteur-interprète est présente au sein des procédures juridiques, ce qui contribue en quelque sorte à une égalité juridique. L’article 8 approuve l’usage légal de ces langues au sein de l’administration et l’article 10 dévoile le besoin de créer des programmes de « protection et renforcement » de ces langues au sein des organisations territoriales et il nous renvoie à l’article 30 de la loi 1381 de 2010 qui défend toujours la protection des droits linguistiques des langues indigènes sans forcément reconnaître sur un plan formel les difficultés de mise en pratique et de matérialisation des dits programmes.

Passons maintenant au cas du guarani, la seule langue indigène reconnue actuellement comme officielle dans l’État du Paraguay et en Amérique Latine. Cette langue discriminée et pratiquement interdite jusqu’à la fin de la dictature de Stroesmer en 1989 a poursuivi un parcours de revendication langagière jusqu’à sa proclamation comme l’une des langues officielles du pays, notification apparue dans la Constitution de 1992. Notre étude nous amène ainsi à l’analyse des articles témoignant de son officialisation. Nous rappelons que la sélection de ces articles se justifie parce qu’ils présentent concrètement et légalement la politique linguistique des langues autochtones et officielles du Paraguay.

Dans ses articles, 140, 77 et 18, la Constitution du Paraguay de 1992 précise les dispositions concernant l’enseignement des langues et dans la langue maternelle :

Article 140 - Les langues
1) Le Paraguay est un pays multiculturel et bilingue.
2) Ses langues officielles sont le castillan et le guarani. La loi établira les modalités d'utilisation de l'une et de l'autre. 
3) Les langues indigènes, aussi bien que celles des autres minorités, font partie du patrimoine culturel de la nation.

Article 77 - L'enseignement dans la langue maternelle
1) L'enseignement du premier cycle scolaire sera dispensé dans la langue maternelle officielle de l'élève. On apprendra aux élèves à comprendre et employer les deux langues officielles de la République.
2) Les minorités ethniques dont la langue maternelle n'est pas le guarani peuvent choisir l'une des deux langues officielles.

Article 18 (du Titre V- A propos des décisions finales et transitoires)
1) Le pouvoir exécutif doit disposer immédiatement d'une édition officielle de 10 000 exemplaires de la présente Constitution dans les langues castillane et guarani.
2) En cas de doute dans l'interprétation, le texte rédigé en castillan prévaudra. 
3) Dans le système éducatif, l'étude de la Constitution nationale sera valorisée.

Dans une perspective lexico-sémantique, l’égalité langagière entre l’espagnol et le guarani est visible aux yeux de la République et de ses concitoyens. Ces deux langues considérées comme des langues majoritairement parlées dans le pays sont ainsi reconnues et font partie du patrimoine culturel et linguistique des Paraguayens. L’État devient protecteur de la langue indigène et prend des dispositions qui obligent son enseignement mais aussi la diffusion de la Constitution dans cette langue. Cette affirmation est renforcée par les articles 1 et 2 de la loi 28 de 1992 :

Article 1 - L'enseignement des langues nationales, l'espagnol et le guarani, est déclaré obligatoire dans les programmes d'études aux niveaux primaire, secondaire et universitaire.

Article 2 - Le ministère de l'Éducation et du Culte et des Universités du pays élabore des programmes d'enseignement pour le bon usage de la langue guarani et adopte aussi des mesures pour accroître sa diffusion et son prestige.

Un peu plus tard, en 1998, la Loi Générale 1264 sur l’Éducation dans ses articles 9, 11 et 31 reprend les objectifs d’une éducation bilingue à dispenser dès les premières années d’école et qui doit prioriser le respect de l’identité des groupes ethniques, éléments précisés dans la loi 3231 de 2007. Nous ne procéderons pas à l’analyse de ces deux dernières lois, leurs éléments les plus structurants ayant déjà été analysés.

Le 29 décembre 2010, le président de la République, Fernando Lugo promulgue la loi 4251 sur les langues (Ley de lenguas). Après de longues années d'attente, cette loi est considérée comme un instrument de revendication culturelle. Au sein du premier grand chapitre nommé « Les finalités », nous soulignons deux articles, considérés comme fondamentaux pour l’essor de la langue :

Article 2 – La multiculturalité 
Le gouvernement paraguayen doit sauvegarder son caractère bilingue et multiculturel, en assurant la promotion et le développement des deux langues officielles ainsi que la préservation et la promotion des langues et des cultures autochtones (…).

Article 3 – Les langues officielles 
Les langues officielles de la République restent valables et en usage dans les trois pouvoirs de l'État, ainsi que dans toutes les institutions publiques. La langue guaranie doit faire l'objet d'attention particulière par l'État, comme signe de l'identité culturelle de la nation, comme un instrument de cohésion nationale et comme moyen de communication pour la majorité de la population paraguayenne.

Ces deux articles mettent en relief l’importance que l’État accorde à la préservation, promotion et développement de deux langues sans distinction. L’État pose le guarani comme revendicateur de l’identité et de l’union paraguayenne et prône son usage national.

Au sein de la même loi, l’article 9 du chapitre II présente les droits linguistiques individuels des citoyens du Paraguay :

Article 9 - Les droits linguistiques individuels. Tous les citoyens de la République ont le droit :
1. De connaître et d'utiliser les deux langues officielles, tant à l'oral qu'à l'écrit, et de communiquer avec les fonctionnaires en général dans l'une d'elles. Les citoyens indigènes ont également le droit de connaître et d'utiliser leur propre langue.
2. De recevoir des informations dans leur langue de la part des employeurs privés dans les secteurs du travail et de l'administration d'intérêt général.
3. De recevoir des informations officielles en guarani et en castillan dans les médias de l'État ou les médias privés qui émanent d'une information officielle de l'État.
4. De ne pas subir de discrimination pour des motifs linguistiques.
5. D'utiliser l'une ou l'autre des deux langues officielles dans l'administration de la justice et que leurs déclarations soient transcrites dans la langue choisie, sans l'intermédiaire d'une traduction quelconque. La personne qui utilise une autre langue est en droit d'être assistée en justice par des personnes qui connaissent sa langue.
6. De recevoir depuis les débuts du processus scolaire une instruction formelle dans leur langue maternelle, pourvu que celle-ci soit l'une des langues officielles du pays ou une langue indigène.
7. D'apprendre d'autres langues nationales et étrangères.

Ces alinéas dévoilent et mettent en valeur l’égalité langagière et donc orale et écrite de la langue autochtone et de la langue du colonisateur. Ils valorisent l’usage de la langue autochtone en matière de travail, des affaires, des tâches administratives et judiciaires mais aussi dans sa diffusion orale, écrite et dans la diffusion médiatique des chaînes de l’État. Ils soulignent également le caractère obligatoire de son enseignement dès les premiers niveaux de scolarisation des Paraguayens et dans l’un des alinéas figure aussi le droit à « la non-discrimination » par des raisons linguistiques. Ce dernier élément est saillant au sein des textes car il vise la protection des langues indigènes parfois conçues comme minoritaires à cause du nombre de locuteurs natifs alors qu’elles sont tout à fait majoritaires en raison du nombre d’individus de la communauté indigène sur l’ensemble du territoire national. Néanmoins, dans certains cas, ces langues minoritaires sont jugées comme moins représentatives et leurs locuteurs subissent des discriminations de tout genre, c’est notamment le cas de beaucoup de Wayúus qui communiquent en wayúunaiki en Colombie.

Les articles 11 et 12 du chapitre II protègent encore une fois les locuteurs du guarani et font valoir leurs droits :

Article 11 - Les droits linguistiques collectifs des groupes communautaires
Les droits linguistiques distincts des communautés culturelles sont :
1. Être reconnues comme membres d'une communauté linguistique différente.
2. Maintenir la langue et la culture propres de son peuple.
3. S'associer avec d'autres membres de sa communauté linguistique pour la défense et la promotion de sa langue et de sa culture propre.
4. Recevoir l'aide des membres de la communauté nationale dans les situations transfrontalières.

Article 12 - La responsabilité de l'État à l'égard des peuples indigènes
Les peuples indigènes qui habitent le territoire national ont le droit de recevoir une aide de l'État pour assurer la survie et la fonctionnalité de leurs langues et de leurs cultures, en tant que moyen de renforcer leur identité ethnique.

Les articles 11 et 12 soulignent d’une part, l’aspect identitaire de la langue et de la culture autochtone et d’autre part, l’engagement de l’État vis à vis de ces communautés, un engagement qui se manifeste publiquement à travers l’attribution d’aides. La protection de l’identité ethnique transparaît à travers la rigueur des lois paraguayennes tandis que les lois colombiennes, à ce sujet, sont encore en régularisation et privilégient pour le moment, le renforcement des programmes d’éducation des groupes ethniques et le respect des lois relatives à l’usage de leurs langues dans le territoire de résidence.

Ainsi l’objectif de l’étude des articles sur les droits linguistiques des groupes autochtones est double, il cherche principalement à établir les modalités et l’usage des langues officielles du Paraguay en reconnaissant la place du guarani, de son alphabet et de sa grammaire dans le pays. Il permet d’attribuer à l’État une responsabilité face à la collectivité et l’engage à répondre aux besoins des peuples indigènes comme nous pouvons le voir à travers les entités lexicales soulignées plus haut (responsabilité, droit, aide, assurer la survie). Enfin, précisons que la loi 4251 a aussi donné lieu à la création du Secrétariat national des politiques linguistiques, organisme responsable de la normalisation de la langue ainsi que de divers mécanismes pour sa standardisation à tous niveaux dans la société.

6. Constats et pistes de réflexion

Quelles stratégies de survie et/ou de nationalisation ont aidé le guarani à devenir une langue indigène officiellement reconnue au Paraguay et en Amérique Latine ? Ces stratégies peuvent-elles contribuer à faire reconnaître la valeur langagière, identitaire et donc culturelle du wayúunaiki en Colombie ? Pour répondre à ces questions et pour donner suite à l’analyse des textes législatifs étudiés, nous proposerons un certain nombre d’explications. Avant de les aborder, il est nécessaire d’identifier quelle est l’image, voire, quelles sont les représentations sémantico-discursives que l’on attribue à « la langue » en tant que concept. Au regard des discours juridiques qui visent la défense du guarani et du wayúunaiki, mais aussi de l’espagnol, l’unité lexicale « langue » est comprise comme patrimoine autochtone ou comme patrimoine historique relevant des légats des colonisateurs. Autrement dit, « la langue » dans son contenu sémantique et discursif, est ancrée dans la construction identitaire des peuples qui intègrent un territoire national.

Pour essayer de répondre aux questionnements précédents, nous proposons et considérons que le recours aux modèles de lois d’autres pays est une stratégie bienveillante qui facilite la protection des langues indigènes et peut inspirer la consolidation des projets de lois qui protègent les peuples autochtones minoritaires. En partant de cela, nous présentons quelques stratégies de survie langagière.

La première renvoie à la légitimité des locuteurs ; l’histoire témoigne de la violence et des jugements sociétaux que les locuteurs natifs du guarani ont subi pendant des années. Cependant, trois actions leur ont permis de braver cette répression : (1) la transmission constante et générationnelle de la langue (de mère à fille et à fils), (2) la résistance à l’abandon de la langue des ancêtres et (3) la persévérance des locuteurs face au maintien des échanges communicatifs toujours entamés en langue indigène auprès de l’État et des autres habitants du pays.

La deuxième stratégie que nous envisageons est de repérer les politiques sociales et juridiques mises en place par le(s) gouvernement(s) dans leurs Constitutions au regard des exigences de l’ONU et des droits établis par d’autres pays des Amériques. La comparaison de ces informations et leur analyse pourrait contribuer à la création d’un document synthétique de diffusion publique permettant aux organismes gouvernementaux de mieux connaître les démarches menées dans d’autres pays et qui donnent de la valeur sociale, juridique et linguistique aux langues amérindiennes.

La dernière stratégie est pour nous celle de la diffusion massive de la langue et des traditions propres à chaque groupe ethnique, d’où l’importante d’entamer des aménagements linguistiques au sein des établissements d’enseignement scolaire.

Ces stratégies nous semblent hypothétiquement envisageables pour restaurer la reconnaissance de la langue wayúunaiki. Cependant, nous mettons en évidence à travers l’analyse des articles relatifs à la place des langues indigènes ou aborigènes en Colombie, que l’État a peut-être réagi tardivement à la proclamation des lois protégeant les cultures indigènes fragilisées par les diverses et parfois frappantes réalités sociales du pays. Maintenant, il essaie donc de se lancer dans la consolidation de lois qui favorisent la réintégration et la reconnaissance des locuteurs natifs de ces langues. Ce défi est très ambitieux pour les gouvernants car l’histoire a malheureusement montré la vulnérabilité de ces peuples à toute échelle.

La forteresse monumentale construite autour du guarani et la puissance que la langue a acquise pendant des années peut être un exemple et inspirer des évolutions législatives pour que les langues indigènes deviennent officielles au moins au sein des départements ou des régions dans lesquelles elles sont parlées en Colombie. La protection territoriale des langues indigènes devrait donc motiver la création de projets émancipateurs favorisant la défense des identités individuelles et collectives des peuples autochtones par l’actualisation des politiques des droits linguistiques sectorisés.

Au regard de nos analyses, nous proposons quelques pistes de réflexion qui rebondissent sur les orientations politiques et la façon dont on positionne les langues indigènes dont le wayúunaiki, en Colombie. Notre première piste débouche sur la question suivante, les Wayúus, sont-ils une minorité linguistique dans le pays ? Et nous pouvons par ailleurs nous demander : sous quel statut peut-on parler d’une minorité linguistique au sein d’un pays où cette communauté aborigène a le plus grand nombre d’habitants ?

La deuxième réflexion porte sur le besoin d’identifier quelles sont les principales crises et les problèmes (problèmes humanitaires, migratoires, polygamie, trafic de stupéfiants, etc.) qui touchent la communauté wayúu et comment l’État peut entamer des démarches qui aident à stabiliser la situation sociopolitique de cette communauté. Dans les articles, décrets et lois analysés, nous avons pu constater que les droits linguistiques du wayúunaiki ne sont pas garantis. Ainsi, notre troisième piste de réflexion nous amène à nous intéresser plus attentivement au positionnement du Ministère de l’éducation nationale et du Ministère de la culture face à la protection de la langue et du peuple wayúu. Pour aller encore plus loin, nous pouvons aussi nous interroger sur le statut sociojuridique de la protection des langues indigènes originaires des Amériques. Enfin, nous considérons le besoin de réaliser une évaluation discursive des injonctions qui défendent les droits linguistiques, en faisant la triangulation de trois types de discours : « le dit » qui renvoie aux politiques promulguées actuellement par l’État, « le vécu » c’est-à-dire, les discours mobilisés autour des projets politiques déjà appliqués et de leur impact dans le territoire et « le réel » lié aux discours des Wayúus qui font face à la réalité présente. Le croisement de ces données permettrait de faire évoluer notre étude pilote et, de façon générale, les pistes de réflexions proposées précédemment pourraient contribuer à l’exploration et pourquoi pas à l’amélioration de la réalité linguistique des cultures indigènes en Colombie.

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Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Jenny Moreno, « Le guarani du Paraguay, exemple de nationalisation d’une langue et pistes de réflexion législative pour sauver le wayúunaiki colombien », Cahiers du CRINI [En ligne], 2 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 03 décembre 2025. URL : https://cahiers-du-crini.pergola-publications.fr/index.php?id=396

Auteur

Jenny Moreno

est docteure en Sciences du langage et enseignante contractuelle (2nd degré) en Expression-Communication et PPP dans le département QLIO de l’IUT de Nantes. Domaines de spécialité scientifique : linguistique de corpus, analyse du discours et sémantique argumentative. Principales publications : « La professionnalité du métier d’enseignant de FLE-S au carrefour de discours, identités et savoirs » (2020), Actes du CMLF, Université Paul Valéry, Montpellier. Et, « La professionnalité du métier enseignant à l’interface des valeurs et de constructions sémantico-discursives mouvantes » dans PEQUINOT, B.(dir.) (2015), Les discours politiques. Regards croisés, coll. "Questions contemporaines", Bilan du XIe Congrès de Linguistique Française, Paris, L’Harmattan, 537–551.

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